En donnant un sens humaniste – ou idéaliste – au mot « humain », on serait tenté de croire que la terreur représente au contraire un « état d'exception », une forme d'« inhumanité ». Mais en considérant la marche pratique, effective de l'histoire, force est de constater que l'homme a fait régner la terreur sur terre depuis la nuit des temps : terreur des tribus et des cités guerrières, des régimes autoritaires depuis l'antiquité jusqu'à l'époque moderne et contemporaine, terreur des esclavagistes, ségrégationnistes, fondamentalistes, terreur des services secrets et des bandes mafieuses. Ainsi, après le terrorisme des indépendantistes et des anarchistes, qui avaient déjà contribué à l'extension des appareils sécuritaires dans les années 1970/80, la terreur exercée par Al-Qaïda et ses successeurs du groupe IS n'a rien d'exceptionnel. Même la tuerie en masse du 13 novembre 2015 a déjà été pratiquée : dans la même ville de Paris en 1982 ou sur l'île d'Utøya près d'Oslo en 2011. Sans parler des massacres sur les campus universitaires et dans les lycées qui ont connu des « succès » médiatiques importants.
Si l'utilisation des médias par les terroristes est considérée comme une nouveauté, cette innovation concerne en réalité pratiquement toutes les activités humaines avec l'avènement d'internet où – contrairement à la télévision – l'utilisateur peut intervenir directement, parfois devant un public nombreux, la plupart du temps à titre confidentiel ou encore au sein de réseaux secrets (« Internet sombre »). Comme les « ego-shooters » des campus, les groupes terroristes actuels utilisent cette ressource prodigieuse et terrible à la fois : ils savent que les vidéos qui expriment leurs motivations ou retracent leurs « prouesses » continueront de circuler indéfiniment dans les arrière-boutiques ou sur le devant de la scène virtuelle, augmentant la version digitale du « patrimoine » humain d'un musée des horreurs toujours plus vaste et spectaculaire.
Dans le cadre de la globalisation virtuelle, c'est en effet le spectaculaire qui importe. Thématisée dès les années 1960, la « Société du spectacle » (Guy Debord) a connu une sorte d'apogée avec les attentats du 11 septembre 2001. L'intervalle entre les impacts des deux avions était suffisamment long pour que les caméras des chaînes d'infos puissent se mettre en place et saisir la seconde explosion « en direct ». Ainsi, le monde entier a pu prendre part à ce « spectacle » terrifiant, aussi inédit que lourd de conséquences.
Mais la menace réelle est ailleurs : en utilisant les nombreux interstices, les « terrains vagues » et les espaces de liberté des démocraties modernes, le terrorisme actuel a pour effet leur surveillance « renforcée » ou même la suppression de certaines libertés et la soumission croissante des citoyens aux exigences du contrôle sécuritaire, en particulier avec la collecte, le stockage et l'analyse des données personnelles ou encore la vidéo-surveillance dont le projet non avoué est de couvrir la totalité des espaces urbains occidentaux et, avec des dispositifs comme Google Earth et Street View sans cesse perfectionnés, la terre tout entière.
« Oui, mais si je n'ai rien à cacher ? » – La réponse est que l'on ne sait jamais entre quelles mains nos données personnelles peuvent tomber dans un futur proche ou plus lointain. Car nous courons en permanence le risque que nos sociétés des libertés à l'occidentale se transforment à nouveau en régimes autoritaires, en « États policiers » comme nous en avons connus dans un passé encore récent. Avec les technologies actuelles en permanente évolution, la mise sous tutelle des populations pourrait alors prendre des proportions dépassant la fiction et l'entendement.
Faut-il ajouter que la terreur s'exerce avec prédilection en temps de guerre ? – L'attentat de 2001 a eu pour conséquence la débâcle des engagements militaires en Afghanistan et en Irak, qui ont été suivis des interventions en Libye puis plus récemment en Syrie. Or, c'est un fait établi que ces « exportations » de la guerre font prospérer les mouvements terroristes. Les « terrains vagues » que sont devenus l'Irak après 2003 et la Syrie après 2011 ont permis la proclamation d'un nouveau « califat », d'un « État Islamique en Irak et en Syrie » qui s'est proposé de réorganiser le chaos d'une guerre civile permanente dans le carcan d'un système autoritaire à l'ancienne.
Avec les crises économiques à répétition et le chômage en augmentation continue, nos contrées apparemment pacifiées risquent elles aussi la guerre civile. Et les terroristes actuels ne le savent que trop bien. Car la déstabilisation des sociétés libérales figure tout en haut de leur agenda.
Reste que le plus grand « succès » d'une opération terroriste est déjà ancien : lorsque le nationaliste serbe Gavrilo Princip du groupe Jeune Bosnie abattit l’archiduc François-Ferdinand d'Autriche-Hongrie et son épouse le dimanche 28 juin 1914 à Sarajevo, il ne se doutait pas que son acte servirait de « déclencheur » à la Première guerre mondiale avec ses 9 millions de morts estimés et ses conséquences terribles.
Si l'utilisation des médias par les terroristes est considérée comme une nouveauté, cette innovation concerne en réalité pratiquement toutes les activités humaines avec l'avènement d'internet où – contrairement à la télévision – l'utilisateur peut intervenir directement, parfois devant un public nombreux, la plupart du temps à titre confidentiel ou encore au sein de réseaux secrets (« Internet sombre »). Comme les « ego-shooters » des campus, les groupes terroristes actuels utilisent cette ressource prodigieuse et terrible à la fois : ils savent que les vidéos qui expriment leurs motivations ou retracent leurs « prouesses » continueront de circuler indéfiniment dans les arrière-boutiques ou sur le devant de la scène virtuelle, augmentant la version digitale du « patrimoine » humain d'un musée des horreurs toujours plus vaste et spectaculaire.
Dans le cadre de la globalisation virtuelle, c'est en effet le spectaculaire qui importe. Thématisée dès les années 1960, la « Société du spectacle » (Guy Debord) a connu une sorte d'apogée avec les attentats du 11 septembre 2001. L'intervalle entre les impacts des deux avions était suffisamment long pour que les caméras des chaînes d'infos puissent se mettre en place et saisir la seconde explosion « en direct ». Ainsi, le monde entier a pu prendre part à ce « spectacle » terrifiant, aussi inédit que lourd de conséquences.
Mais la menace réelle est ailleurs : en utilisant les nombreux interstices, les « terrains vagues » et les espaces de liberté des démocraties modernes, le terrorisme actuel a pour effet leur surveillance « renforcée » ou même la suppression de certaines libertés et la soumission croissante des citoyens aux exigences du contrôle sécuritaire, en particulier avec la collecte, le stockage et l'analyse des données personnelles ou encore la vidéo-surveillance dont le projet non avoué est de couvrir la totalité des espaces urbains occidentaux et, avec des dispositifs comme Google Earth et Street View sans cesse perfectionnés, la terre tout entière.
« Oui, mais si je n'ai rien à cacher ? » – La réponse est que l'on ne sait jamais entre quelles mains nos données personnelles peuvent tomber dans un futur proche ou plus lointain. Car nous courons en permanence le risque que nos sociétés des libertés à l'occidentale se transforment à nouveau en régimes autoritaires, en « États policiers » comme nous en avons connus dans un passé encore récent. Avec les technologies actuelles en permanente évolution, la mise sous tutelle des populations pourrait alors prendre des proportions dépassant la fiction et l'entendement.
Faut-il ajouter que la terreur s'exerce avec prédilection en temps de guerre ? – L'attentat de 2001 a eu pour conséquence la débâcle des engagements militaires en Afghanistan et en Irak, qui ont été suivis des interventions en Libye puis plus récemment en Syrie. Or, c'est un fait établi que ces « exportations » de la guerre font prospérer les mouvements terroristes. Les « terrains vagues » que sont devenus l'Irak après 2003 et la Syrie après 2011 ont permis la proclamation d'un nouveau « califat », d'un « État Islamique en Irak et en Syrie » qui s'est proposé de réorganiser le chaos d'une guerre civile permanente dans le carcan d'un système autoritaire à l'ancienne.
Avec les crises économiques à répétition et le chômage en augmentation continue, nos contrées apparemment pacifiées risquent elles aussi la guerre civile. Et les terroristes actuels ne le savent que trop bien. Car la déstabilisation des sociétés libérales figure tout en haut de leur agenda.
Reste que le plus grand « succès » d'une opération terroriste est déjà ancien : lorsque le nationaliste serbe Gavrilo Princip du groupe Jeune Bosnie abattit l’archiduc François-Ferdinand d'Autriche-Hongrie et son épouse le dimanche 28 juin 1914 à Sarajevo, il ne se doutait pas que son acte servirait de « déclencheur » à la Première guerre mondiale avec ses 9 millions de morts estimés et ses conséquences terribles.
Le Petit Journal, 12 juillet 1914
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