mardi 29 décembre 2015

Miettes théologico-philosophiques

 I



Si la Bible recommande de ne point tuer, cela montre que les rédacteurs connaissaient parfaitement l'instinct meurtrier de notre espèce : en effet, si nous n'avions pas tendance à massacrer nos semblables, quel serait le sens d'un tel commandement ?

Or, force est de constater que cet interdit - le tabou civilisationnel du meurtre - n'a eu aucune espèce d'effet sur le comportement de notre engeance au cours de ces trois derniers millénaires. On serait même tenté de dire que l'interdit pousse à la transgression.


II


Les religions - et les divinités uniques, duelles, multiples - ont toujours été des instruments de domination sociale, économique, politique. Si elles ont également une autre dimension - comme la recherche spirituelle, la quête de la pureté, l'abandon de l'existence mondaine - celle-ci est absolument compatible avec la destination première de l'idéologie religieuse puisque l'ordre terrestre n'est jamais remis en question.

Comme les philosophes, les théologiens sont des champions de la rhétorique : ils vous démontrent à tous les coups que vous êtes dans l'erreur. Et ce sont des puits de science dont les cibles de prédilection sont les gens réputés "incultes" ou savamment maintenus dans cet état. Comme ces "primitifs" qui échangeaient leurs trésors contre de la pacotille et de l'alcool frelaté. En effet, leurs auto-proclamés "civilisateurs" avaient rapidement intégré le fonctionnement du potlatch.



III



 S'il n'y avait qu'un seul dieu, il serait nécessairement le même pour toutes les religions qui se réclament d'un dieu unique (monothéismes).
 

Si, donc, les cultes qui Lui sont voués diffèrent les uns des autres et qu'en même temps chacun d'eux est l’œuvre de Dieu :

- ou bien il existe plusieurs dieux, ce qui est contraire au credo monothéiste ;

- ou bien ces cultes particuliers ne sont pas l’œuvre de Dieu mais conçus par les hommes.
 

En effet, la définition de Dieu comprend la perfection et donc l'infaillibilité : ce qu'Il conçoit ne saurait comporter d'erreurs. Or, si chacun des monothéismes prétend représenter la seule vraie religion dictée par Dieu, cela implique que les autres monothéismes sont dans l'erreur et ne peuvent par conséquent pas être l’œuvre de Dieu.
 

Le problème reste entier en sachant qu'aucun des monothéismes - et aucune sécession à l'intérieur d'un même monothéisme - n'abandonnera sa prétention d'être dicté par Dieu. Logiquement, son apparent respect des autres religions n'englobera donc jamais leur prétention d'être elles aussi l’œuvre de Dieu.
 

Cette situation ne peut que générer des conflits éminemment politiques, au point que l'on est en droit de se demander si ce ne sont pas des motifs politiques qui ont présidé à la fondation de ces religions basées sur l'exclusivité, le monopole d'une "foi véritable" impliquant forcément le discrédit des autres croyances.
 

IV


C'est une formidable illusion que le degré zéro - le fameux départ dans l'affection et le bruit neufs (Rimbaud) - que l'on peut supposer à l'origine des utopies et des révolutions.

Il arrive certes que l'on change de vie, de résidence, de travail. Et à la faveur d'une nouvelle passion, histoire d'amour, situation de réussite ou d'échec, on peut ressentir le besoin de faire peau neuve. Mais changer une vie n'est pas changer la vie.

Pourtant, un observateur curieux de la Nature ne manquera pas de voir que la vie se transforme sans arrêt: les saisons, l'ontogenèse, l'évolution. Or, l'Homme lui impose une structure statique à travers un système de pensée rigide: il a besoin de plans, de coordonnées, de repères cartésiens, d'une conscience intentionnelle pour appréhender le dynamisme de la vie.

S'il s’avérait que l'Homme est incapable de penser la transformation comme un flux continu, cela pourrait expliquer sa prédilection pour les ruptures et les arrêts du temps - les degrés zéro et les discontinuités fictives - qui seuls lui permettent alors d'envisager, d'appréhender les métamorphoses naturelles. - Dans cette perspective, l'idée même de changement serait déjà un concept statique, une réification...

Mais peut-être la raison de cette douloureuse angoisse du seuil (Trakl) serait-elle d'abord à chercher dans la conscience irrépressible de notre condition de mortels, paradoxale source de toute notion de transcendance (*).

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(*) Cette idée est approfondie dans > La conscience de la mort

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