samedi 3 novembre 2012

Philosophie politique (2012)



NB. - Ce texte a été écrit dans le feu de la campagne française, début 2012. Il n'explique et ne prouve rien. Malgré son caractère un peu décousu, j'ai cru important de le conserver tel quel comme un essai de compréhension. - SK



Au cours des campagnes électorales récentes, des phénomènes comme l'instrumentalisation politique des faits divers et la personnalisation de la vie politique sont apparus comme diversions sans que l'on en vienne pour autant à l'essentiel. Un bref retour aux fondamentaux m'a donc semblé nécessaire pour d'abord comprendre moi-même l'enjeu d'une élection démocratique et gagner ensuite une distance réflexive vis-à-vis des événements ponctuels et des discours opportunistes, qui permette éventuellement d'élever le débat ou, du moins, d'éviter la chute dans la béance de la vulgarité.


ÉTYMOLOGIE


Le mot "politique" a été forgé dans la Grèce antique où POLIS désignait la cité. En dérivent l'expression "État policé", courant à l'époque (moderne) des Lumières, et bien sûr le terme (contemporain) de "police", utilisé dans beaucoup de langues. - L'un des premiers écrits marquants sur le sujet, composé voici quelque 2500 ans à Athènes, est la POLITEIA du philosophe Platon, traduit par La République en français, The Republic en anglais et Der Staat (L’État) en allemand. Platon a également écrit un dialogue intitulé POLITIKOS, autrement dit : Le Politique ou "L'Homme d’État" (Statesman, Staatsmann). Son successeur Aristote utilise le pluriel dans le titre de son traité POLITIKA, couramment traduit par les singuliers Le Politique en français, Die Politik ("La Politique") en allemand, et plus justement par Politics en anglais.




Sans pouvoir, dans le cadre présent, approfondir le contenu de ces textes fondateurs, qui sont disponibles, par exemple, sur le site très fourni de Philippe Remacle, on remarque dans les traductions mentionnées que le concept de "politique" touchait alors à l’État, à la "Chose Publique" (Res Publica), au pouvoir d'un "Homme d’État" et par extension au "Gouvernement de l’État" comme "Chose Publique".



Cependant, un article du Wikipedia anglais consacré au mot POLITEIA cite la définition du dictionnaire Liddell and Scott's qui fait apparaître un glissement de sens vers la citoyenneté : "the conditions and rights of the citizen, or citizenship", c'est-à-dire : "les conditions et les droits du citoyen, ou la citoyenneté", que l'on peut alors rapprocher du latin civitas.

Pour ce mot dérivé de civis (citoyen, concitoyen), le Gaffiot, dictionnaire bien connu des latinistes francophones, donne également deux sens distincts :





De civis et civilis ("civil", "qui concerne l'ensemble des citoyens") dérivera le concept de civilisation - si connoté dans le débat contemporain - qui est de facture moderne, ou bien forgé par le marquis de Mirabeau au milieu du 18e Siècle (mort très exactement le 13 juillet 1789) ou bien, selon le linguiste Émile Benveniste, d'origine plus diffuse, probablement franco-anglaise (civilization). - Cela dit, l'Antiquité connaissait bien sûr - et a sans doute inventé - l'opposition entre le "civilisé" (L'Hellène, puis le citoyen romain) et le "barbare", une onomatopée cherchant à imiter quelqu'un qui ne maîtrisait pas la langue grecque, que l'on continuait d'ailleurs à pratiquer dans l'Empire Romain pour marquer un certain "niveau culturel". Le "barbare" - qui a probablement donné son nom au peuple berbère - se retrouve ensuite dans la Modernité européenne sous les traits du "sauvage".

samedi 8 septembre 2012

Quelques mots sur la religion (2012)

Depuis la création du Faust par Goethe à la fin du 18e siècle (1), la question de Margarete (Marguerite) – la « Gretchenfrage » – est devenue une expression courante en pays de langue allemande. Margarete (Gretchen) la pose à Faust – l’intellectuel, le libre penseur – qui a jeté son dévolu sur la jeune femme. Pour parvenir à ses fins amoureuses, il a conclu un pacte avec Méphisto – le diable – à qui il a rétrocédé son âme en échange de la jeunesse, de la force, du pouvoir de séduction… Margarete lui demande donc : « Nun sag, wie hast du’s mit der Religion? » – « Dis-moi donc ce que tu penses de la religion ? » – Et d’ajouter, espiègle : « Du bist ein herzlich guter Mann, Allein ich glaub, du hältst nicht viel davon. » - « Tu es un homme au grand cœur, mais je crois que tu n’en penses pas grand-chose. » – Faust reste évasif, ne venait-il pas de renier Dieu en faisant alliance avec le diable. Il répond : « Laß das, mein Kind! Du fühlst, ich bin dir gut; Für meine Lieben ließ’ ich Leib und Blut, Will niemand sein Gefühl und seine Kirche rauben. » – « Laisse donc, mon enfant ! Tu sens que je te veux du bien ; Je donnerais mon corps et mon sang pour ceux qui me sont chers, Je n'entends voler ni le sentiment ni l’Église de personne. » Gretchen, qui ne s'en laisse pas conter, réplique avec fermeté : « Das ist nicht recht, man muß dran glauben. » – « Ce n’est pas bien, Il faut avoir la foi. » Et Faust, sans doute avec une pointe d’ironie : « Muß man? » – « Le faut-il ? »

La question, si ardemment débattue entre les deux amoureux, continue de se poser, d’une façon parfois insistante, aujourd’hui : Est-on obligé de croire? (2)  Or, la version inquisitoire de la Gretchenfrage – et la légende du Dr. Faust est située à la fin du Moyen-âge (3) – possède une tradition sanglante que semblent vouloir raviver certains prêcheurs actuels.

Au sortir des Lumières européennes, le philosophe Nietzsche proclame la mort de Dieu. En vérité, il constate simplement que les Lumières ont eu « raison » de l’idée religieuse et que la Révolution Française a fini de l’achever dans le sang. Puis, deux autres coups fatals furent portés à la religion en Occident, le premier avec l’idée de communisme, promue par Marx et Engels, qui interprétèrent la religion comme une « superstructure » idéologique au service du pouvoir en place, et le second au début du 20e siècle avec l’interprétation psychanalytique des religions et des civilisations humaines. - Un contre-exemple radical à la manière agressive d'« envisager » la religion est l’Empire Romain où toutes les croyances eurent droit de cité. Et, au temps plus ancien encore de l’Empire Hellénique, la première chose que fit le grand Alexandre, lorsqu’il avait conquis un territoire, fut de rendre hommage aux divinités des vaincus.

On ne soulignera jamais assez que ces empires furent polythéistes. Les grands heurts « spirituels » ne se sont produits qu’avec les deux monothéismes de l’époque qui contestaient ce principe fondamental de la pluralité des cultes : le judaïsme – la « Guerre des Juifs contre les Romains », relatée par Flavius Josèphe au 1er siècle, fut extrêmement sanglante – et le christianisme naissant envers lequel les persécutions romaines, en particulier celles de Néron, furent également terribles. - L’existence des trois grands monothéismes – sans doute issus du culte d’Akhenaton dans l’ancienne Égypte (4) – pose une question philosophique et logique : S’il n’y a qu’un Dieu, pourquoi trois religions différentes s’en réclament-elles tout en revendiquant, chacune, l’universalité pour leur culte particulier, extériorisant leur « foi » à travers de multiples actes de guerre et de barbarie, qui jalonnent l’histoire des civilisations auxquelles elles appartiennent. - Cette inquiétante proximité avec la barbarie, qui atteint de nouveaux sommets dans le monde actuel, pourrait être comparée à la partie inconsciente – « impensée » – d’une autre proximité traditionnelle bien connue – et donc « consciente » – entre l’autorité religieuse, théologique, et le pouvoir étatique, politique, alliance critiquée dès 1670 (anonymement) par le philosophe Spinoza (5).